La mythologie des Anangu

Les Etres du temps des Rêves



Le Dreaming et la terre
Chaque Aborigène est gardien de certains itinéraires mythiques associés à des lieux et des totems et célébrés par des rites où les mythes sont peints, chantés et dansés. C'est au nom de ces attaches sacrées que les sites doivent être protégés et que le corps de chaque individu doit être peint avec les signes totémiques de son itinéraire ancestral, afin que se maintienne l'environnement et tous ses liens avec les espèces vivantes et les humains. Les longues épopées mythiques, qui racontent la formation du paysage et l'instauration des règles sociales et religieuses, constituent ce que les Warlpiri appellent Jukurrpa et traduisent en anglais - à l'instar de concepts similaires dans d'autres langues aborigènes - par Law (Loi) ou Dreaming (Rêve). Le Dreaming opossum des Warlpiri raconte qu'un jeune opossum fâché contre son groupe partit à l'est demander de l'aide aux peuples Opossum et Prune noire qui le suivirent pour se battre au cœur du désert Tanami. Tous les Opossums s'entre-tuèrent, devenant des rochers granitiques, et le peuple Prune noire disparut sous terre, ressortant un peu plus loin pour former une source dans les rochers. Les groupes qui se disent les descendants de ces ancêtres totémiques sont en relation de « compagnie », partageant des droits d'accès aux ressources locales.
Les sociétés aborigènes diffèrent beaucoup selon les régions et leur environnement. Mais certains principes leur sont communs, notamment le concept de Dreaming (rêve). Plutôt que comme un âge d'or mythique des origines et de la création, il faut l'entendre comme la mémoire virtuelle de tout ce qui fut, est et sera une mémoire de la terre et du cosmos. En ce sens, le Dreaming constitue un espace-temps parallèle où les hommes se ressourcent en rêve et dans les rites, pour réactualiser les attaches spirituelles qui les associent individuellement et collectivement à des sites terrestres. Les ancêtres, qui ont présidé à la formation de ces lieux, à la reproduction de toutes les espèces animales et végétales, de l'eau, de la pluie et de toutes les formes culturelles, continuent à agir à chaque naissance et dans l'environnement : ils sont eux-mêmes des Dreamings, des mémoires qui se matérialisent sous de multiples formes, site, faune, flore, nuage, ouragan, et tout enfant à naître. À ce titre, chacun est considéré comme l'incarnation d'un esprit totémique du Dreaming propre à la communauté.

Sur tout le continent, des milliers de toponymes sont nommés : tout accident topographique, colline, rocher, source, tout arbre un peu ancien, toutes les rivières, les ruisseaux et les lits de sable qui ne se remplissent d'eau que pendant la saison des pluies, les estuaires et les récifs. Que les sites soient pour nous naturels - grotte, dépôt d'ocre, etc. - ou culturellement marqués de peintures, gravures rupestres, pétroglyphes ou arrangement de pierres, tous, du point de vue des Aborigènes, sont la trace vivante du passage ancestral de héros fondateurs et de leur présence éternelle sous forme d'esprits veillant sur les hommes. Tous les lieux nommés sont donc les balises d'un patrimoine culturel et spirituel. La terre est comme un livre rempli de signes vivants.
De tout temps, certains sites étaient communs à plusieurs groupes et leur gardiennage se négociait au rythme des alliances, faisant fluctuer les frontières et les droits territoriaux. Lorsque les hommes et les femmes sont gardiens de sites, ils ont des responsabilités rituelles à leur égard. Pour que le savoir hérité des ancêtres puisse se transmettre, il faut accomplir des rites - danser, chanter, peindre le corps et les objets sacrés - qui mettent en scène les mythes tels qu'on les a reçus des anciens. Il faut aussi rêver ou avoir des visions, car cet état second permet d'apprendre à voyager dans l'espace-temps des récits qui ont été transmis de génération en génération, de transposer sous forme de nouveaux chants, peintures et danses des événements historiques, d'adapter les expériences personnelles et aussi de lire les signes prémonitoires, comme l'association totémique d'un enfant à naître.

Pour certains sages aborigènes, tel feu David Mowaljarlai, le Dreaming est à la fois un et multiple et ils admettent qu'on puisse croire simultanément à leurs esprits totémiques et au Dieu chrétien. Les positions des Églises sont plus ou moins tolérantes : les missionnaires baptistes acceptent que leurs baptisés se peignent le corps pour chanter les Évangiles, mais pas qu'ils soient polygames ; les catholiques reconnaissent les liens sacrés à la terre de leurs convertis, mais pas qu'ils continuent à pratiquer les mariages arrangés. D'autres Églises ou mouvements charismatiques rejettent toutes les croyances et pratiques rituelles, les taxant de satanisme : pour combattre la tradition, ils opposent aux guérisseurs des cures miraculeuses mises en scène dans de grands rassemblements où des aveugles se mettent à voir et des paralytiques à marcher.
Pour la plupart des Aborigènes, la vie cachée des ancêtres du Dreaming peut se manifester à chacun par des signes, mais sa dimension ésotérique n'est accessible qu'aux initiés - autrefois tous les hommes et les femmes d'un certain âge - et aux êtres de « haut degré » (high degree, clever men) : hommes-médecine, guérisseurs, chamans. Le pouvoir chamanique est inné ou acquis au cours de la vie, mais, dans les deux cas, il faut s'entraîner pour développer tout son potentiel. Il permettrait de voir à travers le corps la cause de la maladie et d'extraire celle-ci en la suçant hors du corps sous la forme d'un caillot de sang, d'un bâton, d'un os, d'une pierre ou d'un quartz. La plupart des thérapies aborigènes partent de l'idée que la maladie doit être extirpée du malade. Peindre le corps avec les motifs appropriés - Dreaming du malade ou Dreaming spécial - aide à cette évacuation. Les gens du désert, en particulier les femmes, utilisent aussi des cordes de cheveux enduites d'ocre pour masser le malade. De telles cordes circulaient autrefois entre les sexes, les groupes locaux et les tribus, comme une valeur à la fois sacrée et d'échange. Elles symbolisaient le maillage des alliances qui renforçait les liens entre les sites de Dreaming.

Pour la plupart des Aborigènes, la vie cachée des ancêtres du Dreaming peut se manifester à chacun par des signes, mais sa dimension ésotérique n'est accessible qu'aux initiés - autrefois tous les hommes et les femmes d'un certain âge - et aux êtres de « haut degré » (high degree, clever men) : hommes-médecine, guérisseurs, chamans.
Le pouvoir chamanique est inné ou acquis au cours de la vie, mais, dans les deux cas, il faut s'entraîner pour développer tout son potentiel. Il permettrait de voir à travers le corps la cause de la maladie et d'extraire celle-ci en la suçant hors du corps sous la forme d'un caillot de sang, d'un bâton, d'un os, d'une pierre ou d'un quartz. La plupart des thérapies aborigènes partent de l'idée que la maladie doit être extirpée du malade. Peindre le corps avec les motifs appropriés - Dreaming du malade ou Dreaming spécial - aide à cette évacuation. Les gens du désert, en particulier les femmes, utilisent aussi des cordes de cheveux enduites d'ocre pour masser le malade. De telles cordes circulaient autrefois entre les sexes, les groupes locaux et les tribus, comme une valeur à la fois sacrée et d'échange. Elles symbolisaient le maillage des alliances qui renforçait les liens entre les sites de Dreaming.